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« Lorsqu’on rencontre en Biologie un organe ou un comportement dont le caractère adaptatif est évident, le premier souci du biologiste est d’ignorer ce caractère, puis de mettre en évidence les facteurs causant immédiatement le processus. Par exemple, dans l’étude bien connue de l’orientation des feuilles à la lumière, on mettra en évidence une auxine produite par les rayons lumineux et inhibant la croissance du tissu. Le mécanisme immédiat du processus est ainsi parfaitement élucidé et, d’ordinaire, la tâche est finie pour le biologiste. Mais si, poussé par un sentiment compréhensible d’insatisfaction intellectuelle, nous venons lui demander pourquoi ce processus est si visiblement bénéfique au métabolisme de la plante, il ne manquera pas d’invoquer un principe de sélection ; les plantes en lesquelles une mutation accidentelle aura instauré ce processus bénéficient d’un avantage et éliminent par sélection naturelle celles qui n’en disposent pas. Cet argument paresseux et parfaitement incontrôlable est actuellement le seul dont on dispose pour rendre compte de la finalité biologique. Et cependant, la finalité biologique pose à l’esprit un défi qui mériterait d’être relevé par d’autres moyens ».
René THOM, Stabilité structurelle et morphogenèse, Interéditions